Genre musical, propre au Gourara (région de Timimoun), où il est pratiqué exclusivement par les berbérophones d’origine zénète. Le terme Ahellil désigne indifféremment les chants eux-mêmes ou la réunion au cours de laquelle ils sont exécutés. Celle-ci, toujours publique et nocturne, commence rarement avant minuit et se prolonge souvent jusqu’à l’aube. Elle est structurée en trois parties ayant chacune leur répertoire propre et un mode différent : M’serahḥ, Awgrut, Tra. La participation est mixte, du moins en principe, et même, par le passé, c’était une femme qui tenait le rôle de soliste dans l’exécution des chants. On cite encore à Timimoun le nom de Mama Kasou, décédée en 1957, et qui passe pour avoir été la dernière grande chanteuse d’Ahellil. Mais la réprobation des docteurs de la foi musulmane pour la mixité fait que la fréquentation féminine va en s’amenuisant, surtout dans les grands centres. Elle est devenue pratiquement nulle à Timimoun, et ne subsiste de façon régulière que dans les qsour les plus isolés. Les hommes, quant à eux, prennent part à l’Ahellil ou s’abstiennent en fonction des relations de respect par lesquelles ils sont liés. La présence du père exclut bien entendu celle du fils, et les personnes âgées seraient taxées de légèreté, et compromettraient la considération dont elles sont l’objet, en se mêlant au groupe des chanteurs. Quant aux jeunes gens, ils ne peuvent guère espérer y être agréés avant 22 ou 24 ans. Curieusement, les ṭolba (clercs musulmans sing. : ṭaleb) dont les fonctions religieuses sont a priori incompatibles avec cette manifestation éminemment profane, doivent prendre part à l’Ahellil, malgré la présence des femmes, lors de la fête maraboutique de Si M’Hamed u Abdelaziz (célébrée chaque année à Zaouïed Sidi el Hadj Belkacem, le 8ème jour du mois de Dou Qada). Cette obligation résulte d’une prescription du saint lui-même, qui leur enjoint d’aller « assister au moins à trois chants d’Ahellil, pendant la selka » (lecture du Coran). Autre cas particulier : à Charouïn, pendant la fête de Sidi Ba Dahmane (qui dure sept jours pendant le mois de Chabane), une soirée d’Ahellil réunit les femmes du qsar avec les seuls hommes de couleur, descendants d’anciens esclaves. Il faut préciser à ce sujet qu’il n’est fait mention d’aucun interdit fondé sur la stratification sociale, et que nul ne saurait être exclu de l’Ahellil, quelle que soit sa condition. L’Ahellil est associé à toutes les fêtes publiques de quelque importance, au premier rang desquelles les fêtes maraboutiques. Il peut avoir lieu à l’occasion d’un départ collectif en pèlerinage pour La Mecque, ou pour le retour, surtout dans les petits Ksour. Il est considéré comme obligatoire lors d’un mariage, mais ne se fait jamais pour la naissance, la circoncision ou l’anniversaire d’un enfant (on lui substitue alors la tagerrabt, dont le répertoire de chants est en grande partie commun avec celui de l’Ahellil). Les chanteurs d’Ahellil se tiennent debout et se disposent en cercle au coude à coude. A l’intérieur du cercle prennent place un flûtiste (bab n temja) et un chanteur soliste (abešniw), ou une chanteuse (tabešniwt). Les choristes exécutent latéralement des pas à peine perceptibles qui entraînent l’ensemble dans une très lente giration de sens rétrograde. Malgré la lenteur et la discrétion de ces mouvements, l’Ahellil est expressément considéré par les Gourari comme une danse. D’ailleurs, certaines phrases du texte donnent lieu à l’échange d’une sorte de révérence, désignée par le terme ardax (danse), entre le soliste et les choristes : quelques pas en avant se terminant par une ébauche de génuflexion. Lorsque l’assemblée est nombreuse, le soliste est suppléé dans cette partie de son rôle par un « assistant », appelé wi serdaxan (celui qui fait danser). Les chants sont ponctués de battements de mains dans un tempo relativement lent (60 à 72), et donnent lieu à une exécution responsoriale. Les textes sont pour la plus grande partie en langue zénète, parfois archaïque au point que le sens de certains vers ne soit plus compris.